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Gaëlle Picard, architecte

Le 16/11/2021 0

Dans 80 ans pour construire

Quatre-vingts ans, ça peut paraître un délai utopique au premier abord pour évoquer la construction, l’aménagement urbain et l’architecture de notre époque. Et pourtant, de la première idée à la livraison d’un chantier, il se passe aujourd’hui encore beaucoup de temps. Si on évoque la construction de la cathédrale pour imaginer l’avenir, on peut retenir trois idées fortes : la gestion des matières premières, la durabilité des bâtiments et enfin la construction de lieux de rassemblement.

Avec un projet sur le temps long, on peut certainement imaginer construire à nouveau des lieux de rassemblement qui marquent un territoire. Mais en étant plus sobre dans la consommation de matériaux. Et en changeant notre conception actuelle de la durabilité. Ce qu’on construit actuellement n’est pas conçu pour durer aussi longtemps que la cathédrale qui fête ses 800 ans. Les nouveaux bâtiments sont prévus avec une réhabilitation dans 30 ans. On travaille plus dans le sens de la standardisation et des normes communes pour les petits et les grands monuments.

On ne peut plus continuer à utiliser les matériaux pour consommer des ressources sans limite.

La cathédrale a été construite sur le site d’une ancienne église et en ré-employant des matériaux issus de la déconstruction. La notion de réemploi dans le bâtiment revient. On ne peut plus continuer à utiliser les matériaux pour consommer des ressources sans limite. Mais on est sur des produits plus techniques (verre, plastique...). La question de l’étanchéité des bâtiments a également un impact sur les matériaux utilisés.

Et la question du vieillissement de ces matériaux se pose. Une filière est à organiser sur cette idée du réemploi : le tri et la valorisation dans de nouvelles constructions.

Il y a aujourd’hui des contraintes majeures sur les matériaux que l’on utilise. Le progrès, c’est de reprendre le temps de regarder ce qui a été fait et bien fait dans l’histoire. Nos métiers changent. On veut aujourd’hui une architecture sobre en ressources et l’utilisation de matériaux pérennes. Les architectes se réapproprient des systèmes constructifs bois ou plus traditionnels. Mais il y a encore un gap entre la philosophie, l’évolution voulue ou envisagée et les pratiques.

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Être plus sobre c’est aussi travailler sur la question de la densification de la ville. Stopper l’artificialisation des sols, c’est un sujet que nous avons tous en tête.

C’était déjà un thème dans les années 2000 lorsque j’étais étudiante. Il met du temps à se concrétiser. Réemploi, sobriété et densification, ça nous amène aux friches industrielles. Elles sont un réservoir de foncier très important. On le voit particulièrement à Amiens avec des friches en cœur de ville. J’aime la démarche de reconstruire, partir de ces lieux, y compris sur ceux qu’on qualifie de patrimoine, les densifier. Et finalement reconstruire la ville sur la ville.

Si on peut se laisser du temps pour construire et reconstruire, c’est le temps de la réflexion et de conception qui pourraient être allongées. Penser une concertation plus constructive qui garde l’humain au cœur de la réflexion. 

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Si on se laisse le temps de réfléchir et de penser les lieux en fonction de l’humain-usager, on aboutit à des propositions pérennes. Finalement, même si la société évolue, depuis 50 ans, on a des vies qui se construisent autour des mêmes lignes de force : travailler, sortir, consommer des loisirs. Si on réussit à s'extraire de notre envie d'aller vite, et s'affranchir des contraintes du temps politique, on peut concevoir des projets plus durables.

Propos recueillis par Vincent Trelcat
Photos : Léandre Leber

80 ans Gaëlle Picard

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