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Dans la famille Martelle

Le 11/03/2022 0

Dans En famille

Librairie incontournable à Amiens, implantée en centre-ville depuis les années 1960 et dirigée par les filles de son fondateur, la librairie Martelle s’est lancée en douceur dans une période de transition à sa tête. Objectif : préserver son caractère indépendant et familial.

Qui n’est jamais allé chez Martelle ? Car à Amiens, on va chez Martelle de génération en génération, depuis près d’un demi-siècle si l’on s’en tient au site actuel de la rue des Vergeaux, ouvert en 1974. Mais l’histoire de cette librairie qui a gardé sa fibre familiale a en fait débuté “dès 1957, avec Lionel Martelle et Annie (NDLR : les parents d’Anne Martelle et Françoise Gaudefroy, les directrices actuelles) qui ont monté la Librairie de la Cité, sur 15 m², dans une toute petite maison amiénoise, en face de la Cité scolaire”, raconte Anne Martelle. “Puis dans les années 1960, ils ont ouvert une autre librairie, 90 m², rue Léon-Blum, en couvrant la cour où nous jouions…” 
 
Cette arrivée dans un centre-ville alors sans ses rues piétonnes préfigure “le vrai pari entrepreneurial”, comme le décrit Anne Martelle, lancé par son père. Car en s’implantant ensuite à côté de la place Gambetta, la librairie multiplie par onze sa superficie, pour s’étendre sur 1000 m² ! En route vers les 1700 d’aujourd’hui avec, en plus, L’Annexe Chez Léonard à l’étage, boutique arts et tendances.
 
Il faut bien ça pour épancher la soif de littérature du père fondateur : “il fait partie de cette génération qui lisait Jules Verne et pour qui le livre avait une place vraiment essentielle", analyse Anne Martelle. Né en 1929, Lionel Martelle “a grandi à une époque où il n’y avait pas la télé. Le rêve, l’évasion se faisaient par le livre.” Une fois bachelier et avant Sciences Po Paris, ses lectures lui donnent l’envie de voyager : “avec 10 Francs en poche, il s’est lancé dans un tour d’Europe en auto-stop.” Quand il descend de voiture, il se met… à en vendre, chez Gueudet. “Mais connaissant son caractère et son besoin d’indépendance, il a vite voulu être son propre patron, en ouvrant sa librairie-papeterie.”

La transition entre les générations devrait durer trois à quatre ans

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La force des libraires indépendants…

L’indépendance, leitmotiv paternel auquel les filles sont restées fidèles. Françoise a été la première à épauler son père, avant qu’Anne ne la rejoigne, en 1994. C’est la période où les deux sœurs prennent le relais, à la tête de la librairie de leur père. “Ce qui lui a procuré une fierté évidente”, se réjouit Anne (extraits en podcast). La librairie prospère, même pas ébranlée ou à peine par l’ouverture de la FNAC à Amiens en 2002.

C’est toute la force des libraires indépendants”, se félicite Anne Martelle, qui entre peu après au Syndicat de la Librairie française, jusqu’à en être élue présidente. “Nous faisons des choix d’assortiments différents… Avec Pages d’Encre, le Labyrinthe, Bulle en Stock, nous avons des livres en commun, c’est normal. Mais nous en avons d’autres. Alors que la FNAC va avoir la proposition standardisée d’un magasin de chaîne, donc surtout les best-sellers. Ce n’est pas lui jeter la pierre, c’est son mode de fonctionnement. Et depuis le mariage avec Darty (NDLR : en 2016), elle vend d’autres produits. C’est pour ça que le libraire indépendant va rester” prédit Anne Martelle. 

Après la première transition, du père à ses filles, une autre se profile, des filles à leurs enfants… La troisième génération de Martelle entre dans la danse. “Marie, ma fille aînée, 33 ans, nous a rejoint le 1er décembre dernier, pour reprendre une bonne partie de ce que je fais : les relations et les rencontres avec les auteurs (extrait en podcast sur les conséquences de la pandémie) et l’achat des nouveautés livres. Son cousin Guillaume, 37 ans, gère toute la communication digitale. Et Romain, 39 ans, son frère aîné, dirige Martelle Pro.”

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“La librairie est le commerce le moins rentable”

Ces intégrations semblent couler de source (extrait en podcast). Comme leur grand-père, l’une et les autres ont d’abord bourlingué. Marie Gaudefroy a “travaillé à Paris dans des boîtes informatiques internationales” avant de ne plus se sentir “épanouie dans ces métiers.” Comme sa mère et sa tante, “avec les garçons, on a, dit-elle, l’avantage d’être complémentaires.” Anne Martelle veille : “on n’est pas encore parties ! Avec Françoise, nous allons les accompagner. On a une responsabilité pour nos salariés. La librairie est le commerce le moins rentable, de l’ordre d’un, voire 1,5%. C’est très très peu… Donc si on veut que ce soit un plaisir, on ne peut pas les laisser seuls. La transition va durer trois ou quatre ans.”

Anne Martelle a ainsi le temps de se préparer à écrire un autre chapitre de sa vie (extrait en podcast), consciente de “l’engagement fort, tant sur le plan émotionnel que professionnel” qu'évoque sa fille, Marie Gaudefroy. “Je donne toujours le meilleur mais là, il y a aussi l’affect familial. Et ça me motive encore plus ! Il va en plus falloir être très réactif sur les futurs modes de consommation car la librairie est un métier que je qualifierais d’agile : le temps d’appliquer une décision, de nouveaux paramètres peuvent déjà changer.”

2024 serait un joli symbole pour voir Marie, Romain et Guillaume succéder pour de bon à Françoise et Anne : la librairie Martelle fêtera cette année-là les cinquante ans de son implantation rue des Vergeaux !

Rédaction Léandre Leber et Vincent Delorme
Photos Léandre Leber

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