Façade de la Maison du Sagittaire

Les façades, voyage au centre de la ville

Le 11/03/2022 0

Dans Tourisme

Elles se dressent là, fièrement, au milieu de la ville. La façade de la Maison du Sagittaire et celle du Théâtre municipal semblent n’avoir pas pris une ride.
Pourtant ces deux façades peuvent se vanter d’avoir des choses à raconter.

La pluie cesse lorsque nous retrouvons Sébastien Sireau, guide conférencier d’Amiens Métropole. Nous faisons face à la façade majestueuse de la Maison du Sagittaire.

« En 1593, Jean Bultel, un riche drapier amiénois, passe commande à l'architecte Jean Bullant. Commerce au rez-de-chaussée et appartements privés à l’étage, son établissement, situé rue des Vergeaux, est alors un des magasins les plus importants de la ville. »

Le propriétaire, amateur d’art et de lettres, est très inspiré par le livre italien Iconologia, publié plus tôt. Le drapier fait sculpter sur sa façade les illustrations de l'ouvrage. De nombreuses références à l’Italie sont visibles : les différents ordres sont sculptés sur les pilastres, de nombreux visages semblent évoquer les masques de la Commedia dell'arte.

Au niveau des arcs, nous pouvons observer deux sagittaires, donnant leur nom à cette maison.
Sébastien nous invite à le suivre, nous sommes quelques mètres plus loin et deux siècles plus tard.

La façade de La Maison du Sagittaire

Amiens connaît toujours de très beaux jours grâce à l’industrie textile

« Vivante et prospère, la ville est dotée d’un centre-ville animé dans lequel commerces et lieux de culture cohabitent. » En 1780, la rue des Trois Cailloux, rue passante et frénétique, accueille le Théâtre municipal. L'établissement de plus de 1 000 places est l’un des plus grands de province et propose des prix variés, invitant tous les Amiénois à se retrouver. « Plus tard, Jules Verne lui-même y passera la quasi-totalité de ses soirées » ajoute Sébastien.

La Façade de l'ancien Théâtre municipal

Au cours du XXème siècle, les deux guerres mondiales n'épargnent pas Amiens

Après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et les trois semaines d’incendie en 1940, 80 % du centre-ville est détruit. Il ne reste quasiment plus rien d’Amiens. Isolées au milieu des décombres, les façades de la Maison du Sagittaire et du Théâtre municipal ont résisté.
« Classées monuments historiques, on tente de les préserver. La façade de la Maison du Sagittaire est consolidée par des échafaudages et des équerres en bois. »

Pierre Dufau, l’architecte chargé de la reconstruction de la ville, envisage de reculer la partie nord de la rue des Trois Cailloux pour favoriser la circulation des voitures. Il ne reste de ce côté, que la façade de l’ancien théâtre, il n'est cependant pas question de la détruire. « Les discussions s'enchaînent et une solution est trouvée : la façade va être déplacée. »

Par peur d'abîmer les décors qui la composent, il est choisi de ne pas la démonter pierre par pierre mais de déplacer l’ensemble d’un coup.

Un chantier d’envergure

Été 1950, la façade est coffrée dans un bloc de béton. « 18 mètres de long, 14 mètres de haut, 600 tonnes, la déplacer n’est pas une mince affaire » plaisante Sébastien. Vérins placés sous le bloc de béton et rails installés, c’est un jour de septembre que le déplacement de la façade commence. « Après trois jours de chantier, la façade du théâtre est reculée de cinq mètres. »

1952, on craint que les travaux massifs environnants abîment la façade de la Maison du Sagittaire. Si la façade reste rue des Vergeaux, elle s’expose au risque d'être détruite. L'État et la ville d’Amiens choisissent de la démonter pierre par pierre. Pour ne pas endommager les décors, un voile de béton est coulé derrière la façade. Découpée par bloc et numérotée, elle sera stockée dans l’église St-Germain.

Près de dix ans plus tard, en 1961, elle est remontée à côté du Logis du Roy. Sous la supervision de l’architecte des monuments historiques, les pierres sont remises une à une à leur place. Pour celles trop abîmées, des rénovations s'imposent. « Les décors pouvant être préservés le sont, les autres passent entre les mains de restaurateurs. »

Au cours de vos flâneries amiénoises, vous pouvez admirer ces deux irréductibles façades, symboles d’un saut dans le temps et d’une harmonie contemporaine. L’une se liant à Jules Verne et au Théâtre qu’il fréquentait assidûment et l’autre aux textiles, l’une des pièces maîtresse de l’économie picarde.

À noter

La maison du sagittaire devient au XVIIIe siècle la propriété de François Galland, maire d’Amiens et drapier. Sa fille se mariera avec Jean-Baptiste Gresset, célèbre poète amiénois, connu pour son œuvre : Vertvert.

Rédaction : Jeanne Bourgois
Photos : Kevin Devigne

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