Les mains d'Alice Declercq en pleine restauration

Alice, le toucher résilient

Le 11/03/2022 0

Dans Les mains

Sculptures en porcelaine, vases en faïence, statues en grès… Ces œuvres (d’art) céramiques renaissent sous les mains d’Alice Declercq, restauratrice d’art. En 2020, Alice a (re)posé ses valises à Amiens pour y ouvrir son atelier rue Saint-Fuscien.

Les mains d'Alice Declercq en pleine restauration

C’est dans un petit atelier bien agencé au dernier étage d’une demeure de la rue Saint-Fuscien que la magie des mains d’Alice opère. Une étagère est remplie de céramiques en attente d’une nouvelle vie. Alice est assise à son bureau sur lequel trois pièces sont entreposées : un biscuit, un pied de lampe en faïence et un vase en pâte de verre. Sur le bureau se trouvent aussi de nombreux petits scalpels, rien d'étonnant pour une médecin de l’art ! Ces outils lui permettent de “creuser” la matière et de déposer la colle. Cette Samarienne détient aussi tout une armée de pinceaux pour la retouche des couleurs. Le métier d’Alice est intimement lié au toucher, ce qui lui permet de redonner vie aux œuvres mais aussi de détecter les cassures. Certains défauts sont difficilement visibles à l'œil nu mais ils sont en revanche détectables au toucher. “Durant l'étape avant les retouches, il est primordial d’utiliser la pulpe du doigt pour détecter les petits défauts."  L'utilisation des différents outils demande en effet une précision et une dextérité d’horloger suisse… Ou de restauratrice d’art amiénoise !

L’importance des mains

Les mains sont très importantes dans mon métier : par elles passent des sensations.” Ses doigts fins et agiles viennent méticuleusement limer la main éraflée d’un enfant trônant sur le biscuit soutenu par un piédestal doré. À la voir, nous pourrions penser à une manucure pour le biscuit. Douceur, précision, méticulosité et le biscuit se “répare”. Elle le repose délicatement et s’attaque au pied de lampe.  Il a été cassé mais recollé avec précision par Alice. Il est orné d’étranges dessins primitifs et maintenu avec tendresse par la main gauche d’Alice tandis que sa main droite ponce avec soin, à l’aide d’une mousse abrasive, une partie de l'œuvre. La cassure devient à peine perceptible, presque invisible. Au toucher, rien ne semble avoir été fracturé. Le vase en pâte de verre est, quant à lui,  brisé en trois morceaux. L’un des  tessons en main, elle vient lui rendre sa place en imbibant finement ses bordures de colle à l’aide d’une fine spatule. Quelques morceaux d’adhésif y sont apposés pour maintenir la pièce. La seconde pièce prend place, puis la troisième. Il ne restera de cette restauration qu’un éclat non récupéré. 

Les mains d'Alice Declercq en pleine restauration

Les mains d'Alice Declercq en pleine restauration

La main tendre

Quand Alice a une œuvre en main, il se dégage une infinie tendresse. Ces objets ont une immense valeur sentimentale pour leurs propriétaires. C’est pourquoi l’Amiénoise les manipule comme on manipulerait  un nouveau-né, avec bienveillance et douceur. Le contact des mains aux œuvres est aussi un moyen pour Alice de se détendre : “cela a quelque chose de très relaxant, ça vide la tête.” Les mains d’Alice sont dotées d’un précieux pouvoir, celui de faire renaître des œuvres d’art. Une musique, un podcast culturel, baignent la pièce. Elle se concentre, observe, agit, ses mains se posent et réparent. La pièce est là, réparée, Alice le sait mais qui la verra. La discrétion, le savoir-faire ne se voient pas ou à peine. La pièce retrouve sa place chez son propriétaire, comme si de rien n’avait été. Alice ou la résilience de la céramique.

Rédaction : Ryad Hammoud
Photos : Léandre Leber

les mains Alice Declercq

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