Le procès des contes à la Chapelle-Théâtre 

“Conte de faits” est une création originale de Caroline Tardy et Gala Fatus Rieser respectivement directrice de la compagnie des 100 souliers et du Bar des Danseuses. Cette pièce met en scène le procès en diffamation du conteur qui, selon les princesses : Ariel, Peau d’Anne et Blanche-Neige, manipulerait leur histoire pour en ressortir une morale aseptisée. S'ensuivent des joutes verbales mais aussi physiques, des interventions de témoins en vidéo, des scènes de danse et de reconstitutions où le public est pris à partie en tant que juré. 

La conteuse interprétée par Zélie Fasquel

Dans cette pièce, deux camps s’affrontent, celui des princesses accompagnées du prince (représentant tous les princes) et celui de la conteuse. On comprend très vite que le juge, incarné par une voix-off (Thomas Stachorsky), est de mèche avec la conteuse, qu’il n’est pas impartial. Une connivence qui s'intensifiera au fur et à mesure de la pièce. Les princesses se feront appeler les unes après les autres à la barre pour défendre leur position et argumenter leurs accusations. Quelques témoins viendront défendre ces dernières ou appuyer les accusations de la conteuse. Les sept nains interviendront par exemple pour prendre la défense de Blanche-Neige face à une conteuse hargneuse et sévère qui, à aucun moment, ne remettra en cause ses positions. 

Ariel icarnée par Clémentine Malandin et le Prince incarné par Clément Supparo 

Chaque personnage se pose en contradiction avec les valeurs transmises par son conte qui, selon lui, ne concorderait pas avec la réalité de sa vie. Dès lors, on peut légitimement se questionner sur la morale d’une pièce contestant les valeurs de ces contes traditionnels. Caroline Tardy nous offre son point de vue "On voulait montrer au spectateur qu’il était important de garder son libre arbitre face aux histoires que l'on peut lire. Il faut toujours se questionner” Gala Fatus Rieser poursuit “Il n’y a pas tout à jeter dans les contes, chacun doit en faire sa propre conclusion”. En offrant leur point de vue sur les morales, les princesses abordent divers thèmes sociaux tels que l’égalité homme femme, le vivre ensemble ou encore la psychanalyse. Dans leur note d’intention, les auteures nous expliquent que “l’envie d’écrire cette pièce est née d’une révolte face à l’engourdissement de notre génération. Mais aussi d’une volonté de rendre son insouciance à cette jeunesse qui se bat tant bien que mal pour trouver sa place dans une société parfois cruelle. Se ré-approprier nos mythes d’enfants et déconstruire leurs schémas figés pour ne garder que leur essence. Voilà le but de “Contes de faits”. 

Caroline Tardy et Gala Fatus Rieser auteures de la pièce et comédiennes (Peau d'Âne et Blanche-Neige) 

Le premier coup d’essai de "Conte de faits" est une réussite. La troupe nous offre à voir une vision neuve des contes, une relecture teintée d’humour, d’amour et de tragique qui ne peut nous laisser indifférent. La petite troupe va occuper encore quelques temps la Chapelle-Théatre afin de peaufiner et de perfectionner la pièce qu’elle proposera au grand public par la suite. 

Ryad Hammoud

Crédit photo : La compagnie des 100 souliers - Le Bar des Danseuses